Hier dans la région de Québec, un orage violent a sévi et une micro-rafale a touché la région de Pont-Rouge, plus précisément au nord du village. Les rafales ont atteint environ 120 km/h selon les estimations d’Environnement Canada. Les dégâts causés ont été surtout des arbres et des lignes électriques cassés. Quelques dommages ont été aussi rapportés à des résidences.
Cet orage est aussi passé sur la ville de Québec en produisant d’autres fortes rafales et quelques dégâts mineurs.
Voici maintenant une petite explication sur le phénomène des micro-rafales ainsi qu’une analyse de ce qui a pu se passer lors de la journée du 30 Mai pour que cet évènement se produise.
La définition d’une micro-rafale est qu’il s’agit d’une colonne d’air descendante d’un orage et qui ne fait généralement pas plus de 3 kilomètres de diamètre. Ces phénomènes peuvent être très dangereux et certains vents de micro-rafales ont déjà mesuré à 200 km/h ! Les vents sont généralement en ligne droite, contrairement à une tornade, mais peuvent aller dans diverses directions. Aussi, le principe de formation n’est pas du tout le même.
Les orages se forment lorsque des courants d’air ascendants sont présents dans une masse d’air instable. Parfois ces courants ascendant peuvent être assez forts pour soutenir pendant longtemps les précipitations de l’orage (pluie, grêle). Il arrive cependant que, par différent processus, les courants d’air ascendants de l’orage faiblissent. Toutes les précipitations qui étaient retenues par ceux-ci tombent alors dans une colonne d’air descendante. On parlera alors d’une micro-rafale « humide » (avec des précipitations).
Les facteurs pouvant mener à ces phénomènes sont multiples. Un entrainement d’air sec à moyen niveau vers le bas, un refroidissement par évaporation sous la base des orages, un « trop-plein » de précipitation dans l’orage, de la sublimation (passage d’état solide à état gazeux) dans certains cas et etc. Il s’agit parfois aussi d’une combinaison de ces facteurs.
En analysant la journée d’hier, dès le matin on pouvait voir une le radiosondage observé de Maniwaki qu’une couche d’air sec était présente dans les moyens niveaux ainsi que les bas niveaux. Sur ce graphique, qui représente une coupe verticale de l’atmosphère, la ligne rouge représente les températures de l’air, tandis que la ligne verte est la température du point de rosée. Plus les lignes sont rapprochées, plus l’air est saturé (humide) et plus elles sont éloignées, plus l’air est sec.
L’air étant en mouvance, il était possible que de telles conditions se retrouve un peu plus loin sur le centre du Québec dans la journée. Voici maintenant une autre coupe verticale de l’atmosphère, cette fois dans le coin de Québec. J’ai modifié un peu l’environnement avec les données disponibles des observations au plus près d’où l’orage était situé juste un peu avant celui-ci.
On y retrouve encore un profil semblable à celui du matin à Maniwaki, mais avec plus d’énergie pour la formation orageuse avec le réchauffement diurne.
Il est donc possible qu’il y ait eu une combinaison de plusieurs facteurs ayant mené à cet évènement. Remarquer dans l’image du haut qu’un certain assèchement de la masse d’air a eu lieu dans à partir du sol jusqu’à environ 1 km en altitude. La mention LCL sur le graphique représente l’endroit ou la base des nuages va se former. Il y avait donc probablement assez de place en dessous de la base de ces orages pour qu’un refroidissement évaporatoire ait lieu. Ce type de refroidissement se forme en présence d’une masse d’air plus sec.
Juste en haut il y avait aussi une bonne partie d’air saturé. Avec les précipitations de l’orage, probablement que le courant ascendant n’a pas pu supporter le tout et ait donné naissance à cette micro-rafale avec l’érosion momentanée du courant ascendant. L’orage a par la suite repris de la vigueur avant d’entrer sur Québec.
Voici maintenant une petite analyse de l’évènement avec le radar.
IMAGERIE RADAR DES PRÉCIPITATIONS DE LA CELLULE.
IMAGERIE DE LA VÉLOCITÉ DES VENTS DE LA CELLULE.
Ces deux images datent d’environ 10 minutes avant l’évènement. Sur la deuxième image (vélocité) j’ai ajouté les indications suivantes: flèche jaune indique la direction du radar, la flèche blanche le sens de déplacement de l’orage et dans le cercle blanc un couplet de divergence, l’étoile blanche représente l’endroit approximatif où les dommages ont été rapportés.
La position du radar est très importante dans la lecture de la vélocité d’un orage. Cela peut nous dire si nous avons affaire à des rotations ou d’autres types de vent. Je vous conseille de faire la lecture de cet article aussi pour un peu mieux comprendre: COMMENT DÉTECTER LA ROTATION AU RADAR DANS UN ORAGE
Dans ce cas-ci, nous avions affaire à une divergence des vents. Les couleurs vertes représentent des vents qui vont vers le radar, tandis que les couleurs rouges sont des vents qui vont dans le sens opposé au radar. Un tel couplet de divergence est souvent révélateur d’une micro-rafale. Pendant ce scan du radar, le logiciel évaluait des rafales de 75 km/h à une altitude de 200 mètres environ. La micro-rafale devait alors prendre naissance, comme en témoigne la distance entre l’orage et où les dégâts les plus importants ont été rapporté.
LE PATTERN DES VENTS
Lorsque les évènements ce sont déjà produit et que vous n’êtes pas certains s’il s’agit d’une tornade ou d’une micro-rafale, l’analyse de la direction des dégâts peut vous en dire beaucoup.
Une tornade aura tendance à créer des dégâts beaucoup plus aléatoires, éparpillé dans tous les sens et circulaire (un peu comme sur les deux images de gauches ci-dessous). Une micro-rafale cependant aura un pattern assez linéaire et divergent (comme sur les deux images de droite).
Cette analyse se veut sans prétention et toutes questions ou commentaires sont les bienvenues !
PHOTOS ET IMAGES: MATHIEU BORDAGE ET PIERRE-MARC DOUCET
TEXTE: PIERRE-MARC DOUCET