Analyse de la tornade de St-Adolphe d’Howard – 23 Juillet 2022

Samedi le 23 Juillet 2022 vers 18h, 3 tornades presque simultanées ont touchés le secteur de St-Adolphe d’Howard dans les Laurentides. La tornade principale a été classée EF2 avec des vents évalués à 195 km/h et aura parcouru une distance de 10.1 kilometre avec une largeur maximale de 770 mètres (source: Northern Tornado Project). Les deux autres tornades ont été classées EF1 et EF0 et ont touché les secteurs du lac Bruyère et du Mont Howard, respectivement.

Voici une récapitulation des événements de la journée.

Synopsis météo

Ce jour-là, un bon système dépressionnaire arrivait sur la province. On peut bien voir en altitude sur la carte de 500mb du matin que le système est centré sur la baie James avec l’axe du creux qui descend où j’ai ajouté la grosse ligne rouge.

Carte de 500mb en matinée

Ce creux en altitude allait arriver sur le Québec en fin d’après-midi, poussé par un courant jet sur nos secteurs. On pouvait aussi voir une bonne dépression toujours centrée près de la baie James/Hudson à 850mb ainsi qu’un faible front froid et un creux pré-frontal devant celui-ci, ce creux était bien situé entre l’Outaouais, les Laurentides et Lanaudière. Tous ces facteurs ont contribué au soulèvement des orages en fin d’après-midi.

Carte du courant jet en matinée

Carte de 850mb montrant la dépression (flèche rouge)

Analyse de surface à 17h le 23 Juillet 2022 (Flèche bleue = front froid, flèche rouge = creux pré-frontal)

Comme en témoigne la carte de surface, il y avait un bon bassin d’humidité dans le sud du Québec avec des points de rosée dans les 64-68 Fahrenheit (18-20 degrés Celsius). Les températures dans la région elles grimpaient dans les 25-29 degrés Celsius. Il s’agit d’un écart favorable pour la formation des tornades. Si l’écart entre le point de rosée et la température est trop grand, il y aura un assèchement dans les basses couches atmosphériques, ce qui est un frein pour la formation des tornades puisque la hauteur de la base des nuages sera plus haute (le tourbillon devra parcourir une plus grande distance pour toucher le sol) et cela favorisera aussi plutôt la formation de micro-rafale.

Tout ça donnait des valeurs d’énergie (CAPE) assez puissante pour le Québec. Comme en témoigne la carte ci-dessous, l’énergie disponible au sol pour les orages était entre 2500-3000 j/kg (CAPE) à ce moment. Il s’agit d’un élément important pour la formation de courant ascendant puissant.

Carte du surface based CAPE (Étoile noire montrant la zone où St-Adolphe d’Howard est situé)

Cette énergie était aussi bien concentrée dans les 3 premiers kilomètres de l’atmosphère. Plus cette énergie qui crée les courants ascendants est forte, plus elle génère un mouvement vers le haut qui interagit avec les courants descendants et qui peut favoriser la formation de tornades.

Carte du 0-3 km Mixed Layer CAPE

Je parlais plus tôt de l’important de la hauteur des nuages versus la hauteur du sol pour la formation des tornades. La zone où se sont former les orages dans les Laurentides a pu bénéficier d’un meilleur équilibre entre la température et le point de rosée, ce qui a donné des bases de nuage plus basse. Selon la carte du SPC qui montre le LCL (Lifting Condensation Level) la base des nuages était plus basse qu’un peu partout ailleurs ce jour-là, entre 1000-1250 mètres d’altitude comparativement à plus de 1500 et plus aux alentours.

Carte du LCL au moment de la tornade (Flèche rouge indique la zone ou le LCL est plus bas dans le secteur de St-Adolphe)

Finalement le cisaillement des vents, qui est un ingrédient clé pour la formation des tornades, était lui aussi présent sur ces secteurs dans la journée. Sur le sud du Québec, en altitude, les cartes montraient un cisaillement effectif pour les orages de 35 à 40 noeuds, ce qui est bien suffisant pour supporter des orages super-cellulaires.

Carte du Effective bulk-shear pour le sud du Québec au moment de la tornade

Voici le téphigramme ainsi que l’hodographe de Maniwaki observé en soirée. Cela représente probablement assez bien l’atmosphère près de St-Adolphe d’Howard aussi un peu plus tôt. Notez la flèche rouge à gauche, cela indique que le tourbillon disponible pour être ingéré dans les orages avait une valeur de 159 m2s2. Sans être une valeur extrême, ce genre de chiffre est favorable à la formation de tornades. Il y avait cependant un autre élément qui a attiré mon oeil sur une des cartes du SPC par la suite.

La prochaine carte montre une valeur modélisé du tourbillon disponible mais dans les 0-500 mètres en altitude. Des études récentes tendent à montrer que ce qui se passe dans les premiers 500 mètres de l’atmosphère à une très grande importance pour la formation des tornades. Sur cette carte, la zone près de St-Adolphe se retrouve près du 100 m2s2. Ça veut donc dire qu’une grande partie du tourbillon présent ce jour-là, dans ce coin-là, était dans les 500 premiers mètres, ce qui pourrait peut-être expliquer pourquoi cet orage a produit 3 tornades dans un très court moment, dont une EF2.

Carte du 0-500m SRH au moment de la tornade

ANALYSE RADAR DE L’ÉVÉNEMENT

Voici maintenant une petite analyse de l’événement avec les données disponibles du radar de Blainville sur l’application RadarScope.

La super-cellule responsable de ces tornades s’est formé dans les secteurs de Lac-des-plages/Amherst à la limite de l’Outaouais et des Laurentides vers 17h. Ce n’était pas encore une super-cellule à ce moment puisqu’il n’y avait pas de rotation détectée. Cette cellule s’est formé sur le flanc sud-ouest d’un autre orage fort qui a affecté la région de Vendée peu avant. La cellule responsable des tornades est encerclée en bleu sur les images suivantes.

Environ 20 minutes plus tard, les premiers signes de rotation sont présents dans la cellule orageuse. Sur la prochaine carte on peut voir à gauche la représentation des précipitations et à droite la représentation des vents à l’intérieur des orages. Sur la partie gauche, on note un petit écho en crochet, signe de rotation, qui est confirmé sur l’image de droite alors que les couleurs vertes représentent des vents qui se dirigent vers le radar alors que les couleurs rouges sont des vents en direction opposée au radar. Quand ces deux couleurs sont vraiment collé une à l’autre et qu’une différence de vent importante existe entre les deux, on parle alors d’un couplet de vélocité. Cela indique la présence d’un mésocyclone.

La super-cellule est plus ou moins restée dans cette forme pour les 30 minutes suivantes sans toutefois produire de tornade. Cependant vers 17h50, sur le radar on a pu remarquer un renforcement de la vélocité sur le couplet ainsi qu’un crochet plus prononcé. Il était possible de suspecter une activité tornadique, surtout que la présence d’un mésocyclone bien établi en moyenne altitude était visible en changeant la hauteur des scans du radar et en regardant aussi sur le radar de Burlington au Vermont.

Comme de fait, la première tornade dans le secteur du lac Bruyère était en train de se produire à ce moment la.

Sur la prochaine image radar, environ 10 minutes plus tard, il était maintenant possible d’observer un mésocyclone qui semblait assez fort. À ce moment la vélocité vers le radar montrait une valeur de 53 noeuds et en sens inverse elle était de 14 noeuds. Selon la formule établie pour voir la force d’un mésocyclone, en additionnant cela nous donne 67 noeuds et en divisant par deux nous avons donc un couplet de rotation d’environ 33.5 noeuds à 50 kilomètres du radar. Toujours selon ces données, on parle d’un mésocyclone modéré.

Toujours sur la prochaine image, j’attire votre attention sur le radar du bas à droite qui s’appelle le coefficient de corrélation, un outil du radar qui permet de voir l’uniformité des cibles du radar. Lorsque les valeurs de ces échos sont au-dessus de 0.80 (vert, jaune rouge, etc) ce sont des échos météorologiques comme de la pluie, neige, grêle, etc. Quand les échos tombent dans le bleu (sous les 0.80), on parle d’écho non météorologique. Si comme dans ce cas, ce type d’écho est superposé avec un mésocyclone et un écho en crochet, il est presque certain que nous avons à faire à une tornade. On appelle ce type de signature un TDS (Tornado Debris Signature).

Concernant le TDS, avec les données de Radarscope, lorsqu’on montait le radar de Blainville au plus haut, la signature était présente jusqu’à environ 1.5 km en altitude (5000 pieds). J’ai vérifié avec les autres radars aux alentours s’ils captaient un TDS plus haut mais ce n’était pas le cas. On peut donc supposer que les débris sont monté un peu plus haut mais pas énormément. Sur l’image suivante, on peut voir que ce type de TDS correspond généralement à une tornade EF1, mais peu aussi être rencontré lors d’une EF2.

Hauteur des TDS moyens selon la force des tornades (ligne rouge verticale = St-Adolphe d’Howard)

Le couplet de rotation de 33.5 noeuds quant à lui suggérait plutôt une tornade de force EF0/EF1. Bien que des cas ont été répertorié aussi avec ce type de couplet à EF2, c’est un peu plus rare. Avec tous les éléments que nous avons vus précédemment, on peut dire qu’il était presque certain qu’une tornade se produisait à ce moment, cependant il était difficile d’affirmer que c’était une forte tornade au moment de l’événement.

Force moyenne des couplets de vélocité par type de tornade (Ligne rouge verticale = St-Adolphe d’Howard)

Voici quelques images des dégâts causés par la tornade EF2 prise par nos chasseurs Mathieu Lussier et Nancy Adam-Cassista. Heureusement, il n’y a eu aucun décès lors de cet événement.

Analyse faite par Pierre-Marc Doucet, membre d’Xtrem Chase Québec.

Analyse de la tornade de Mascouche du 21 Juin 2021

Une journée fort chargée de temps violent s’est produite le lundi 21 Juin 2021 dans le sud du Québec. Malheureusement, pour la première fois dans la province depuis le 9 juillet 1994, une personne est directement décédé des conséquences d’une tornade.

Qu’est-ce qui a mené à cet événement ? Dans cet article je vais y aller de mon analyse de la journée. Aussi, Environnement Canada a été sévèrement critiquer pour le manque d’alerte sur cet événement. Est-ce que c’était justifié ? Je vais tenter d’y répondre avec mon opinion sur le sujet mais aussi de façon constructive. Je peux déjà vous dire que ce n’était pas quelque chose de très évident, à moins d’avoir suivi cette cellule orageuse spécifique depuis sa naissance.

Synopsis Météo

Depuis quelques jours, les modèles météo anticipaient qu’une dépression assez forte pour la saison allait toucher la province pour le 21. En après-midi, on pouvait voir le centre de la dépression située en Abitibi. La pression était de 989 millibars et continuait de descendre. Lors de l’analyse atmosphérique du matin, on pouvait aussi voir un bon creux en altitude, centré sur la baie d’Hudson, mais son influence se faisait sentir jusque sur le mid-ouest Américain. L’axe du creux commençait à virer en « negative tilt », un indice que nous avons à faire à un système qui va en se renforçant.

Image du creux visible à 700mb

Image de surface à 14h le 21 Juin

Un des principaux acteurs météorologiques de la journée allait être un front chaud. Celui-ci a fait son entré dans le sud du Québec dans la matinée. Devant celui-ci, il y avait une bonne couverture nuageuse ainsi que des précipitations. Une des questions de la journée était de savoir comment ce front chaud allait évoluer. Est-ce que la masse d’air derrière aurait le temps de récupérer pour devenir instable avec de l’ensoleillement ? Il s’agit d’un enjeu lors de beaucoup de situations ou il y a un potentiel de tornade au Québec. Je rappelle que les fronts chauds sont une excellente source d’hélicité (ou tourbillon) puisqu’ils aident beaucoup à créer du cisaillement directionnel. Mais si la masse d’air ne peut se déstabiliser parce que la couverture nuageuse est trop importante, il n’y aura pas de formation d’orages.

Position du front chaud vers 14h le 21 Juin

Vers 14h, soit environ 1 heure 45 minutes avant la tornade, la position approximative du front chaud était au nord de Montréal, entre Lanaudière et la Mauricie. La couverture nuageuse c’était bien morcelé suite à son passage ce qui a permis d’aller chercher des valeurs de CAPE (énergie requise pour la formation des orages) entre 1500 et 2500 j/kg sur le sud du Québec. Sur les cartes suivantes, Mascouche est situé ou j’ai ajouté un point noir.

Carte des valeurs de MLCAPE pour 15h.

Un autre facteur qui aurait pu faire en sorte qu’aucune tornade ne se produise ce jour-là aurait été l’assèchement de la masse d’air au sol dû à trop d’ensoleillement ! Oui, car pour avoir des tornades, ça prend plusieurs ingrédients, mais ces ingrédients doivent aussi être bien dosés. Pas assez de soleil, pas d’orages, mais trop de soleil contribue à assécher la masse d’air. Ça fait en sorte que les températures montent beaucoup au sol et les points de rosée eux tombent parce l’humidité se dilue trop. Des orages violents peuvent se former, cependant la base des nuages sera beaucoup plus haute ce qui entraine deux problèmes pour la formation des tornades. De un, une base haute donne plus de difficulté à un tourbillon pour se former. De deux, l’air plus sec contribue à la formation de rafales descendantes plus froide et intense. Ces courants descendants très fort et trop froid ne font pas bon ménage pour la formation des tornades. Ce fut le cas par exemple lors de la journée du 18 juin 2017. Le front chaud était allé beaucoup plus au nord et le sud du Québec avait bénéficié de beaucoup d’ensoleillement. L’écart entre les températures et les points de rosée s’était accentué énormément. Au début de la journée nous avons suivi un orage qui a produit un nuage en entonnoir avec un wall-cloud plutôt bas. Cependant plus la journée avançait et plus les bases nuageuses étaient hautes. Il n’y a pas eu de tornade. Par contre plus au nord, là ou les températures et le point de rosée étaient plus proches, il y a eu de nombreuses tornades, dont celle d’Hébertville au lac Saint-Jean.

Mais le 21 juin, cela ne s’est pas passé comme ça. Le front chaud n’est pas remonté aussi loin, et un creux pré-frontal est venu donner l’étincelle que ça prenait pour déclencher les orages. Sur l’image qui suit, j’ai ajouté la position approximative du front chaud vers 16h (ligne rouge pleine) ainsi que la position du creux (ligne rouge cassée).

La masse d’air était aussi bien humide, même plus haute en atmosphère, ce qui donnait déjà un indice que l’humidité ne serait un problème lors de cette journée. Sur la carte suivante, le Québec est dans le coin en haut à droite.

Carte de 850mb montrant une bonne advection d’humidité le matin (lignes vertes)

Comme je le mentionnais plus tôt, les fronts chauds apportent une grande quantité d’hélicité avec eux. Sur la prochaine carte, la quantité d’hélicité représentée est celle pouvant être ingérée dans l’influx entrant qui nourrit l’orage. Des valeurs entre 200 et 300 m2/s2 étaient présentes sur le sud de la province. Ce genre de valeur peut être associé à des fortes tornades (EF2 et plus).

Voici un skew-t, représentation de l’atmosphère avec l’altitude, que j’ai modifiée pour représenter davantage la situation près de Mascouche peu avant la tornade. J’ai surtout modifié la partie de l’hodographe (dans le coin en haut à droite) pour représenter plus les conditions du cisaillement ici. Le skew-t de base est celui qui a été observé à 20h ce soir à Albany dans l’état de New York un peu au sud de nous. À 15h, la station de l’Assomption dans le sud du Québec rapportait 86F/71F (30 Celsius pour la température de l’air sur 22 Celsius pour la température du point de rosée. La même que celle d’Albany le soir, le profil thermodynamique était donc probablement assez semblable. Un autre indice à surveiller est aussi le DCAPE ou Downdraft CAPE. Cet indice donne la quantité d’énergie disponible pour les courants descendants. Pour cette journée-là, le sud du Québec était aux alentours de 800 j/kg. Ce qui est assez fort mais pas trop non plus. Une chose aussi importante pour la formation des tornades car des courants descendants trop puissants amène de l’air plus froid ce qui débalance l’équilibre fragile des ingrédients requis. Généralement, des valeurs de DCAPE au-dessus de 1000 j/kg ne favorisent pas la formation de tornades, mais de micro-rafales oui.

Une grande quantité de tourbillon était disponible pour les orages. La cellule de Mascouche bougeait un peu plus au nord-est que le vecteur indiqué sur l’homographe, qui lui suggérait des orages du type « right mover » avec un déplacement franc est. La quantité de tourbillon disponible pour cette super-cellule était donc probablement moindre que le 233 m2/s2 suggéré dans l’influx entrant mais pas énormément.

À noter aussi qu’une quantité importante de l’énergie disponible dans l’atmosphère ce jour la était emmagasinée dans les 3 premiers kilomètres de l’atmosphère. Le 0-3 kilomètre CAPE est un indice important permettant de voir la force des courants ascendants. Des courants ascendants puissants sont un ingrédient important dans la formation des orages violents mais aussi des tornades. Sur le sud du Québec ce jour-là, il semble que des valeurs entre 100 et 150 j/kg étaient présentes. Des valeurs à partir de 50 j/kg sont considérés intéressantes pour la formation des orages violents/tornades.

Les modèles météo montraient aussi depuis quelques temps un potentiel important au niveau des orages mais aussi des tornades ce jour-là La carte qui suit est une carte qui montre les chances de tornades selon plusieurs paramètres, comme l’énergie, les précipitations, le cisaillement ainsi que la hauteur de la base des nuages. On peut voir que les indices étaient très importants au dessus du Québec.

Analayse radar de la supercellule

La cellule orageuse responsable de la tornade de Mascouche a pris naissance vers 15h près de Mirabel. Environ une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Mascouche.

L’orage est né dans un complexe multi-cellulaire comprenant d’autres orages. À ce moment la, il était encore impossible de dire que cette cellule spécifique allait produire une forte tornade. Cela prend souvent un petit moment avant qu’une cellule orageuse devienne mature et puisse produire une tornade.

Dans le cas de Mascouche, cette cellule allait rapidement acquérir de la rotation. Peu de temps après cette image, des signes de rotation allaient déjà commencer. Déjà vingt minutes après sa naissance, l’orage montrait un écho en crochet, signe de rotation dans cette cellule. J’ai assemblé dans la prochaine animation les images radars disponibles du site de Blainville. Dans l’image de gauche, il s’agit de la représentation des précipitations, dans celle de droite, de la vélocité des vents. Pour la vélocité des vents, la couleur verte signifie des vents qui vont vers le radar, tandis que le rouge, les vents en direction opposée du radar.

Souvent avant la genèse d’une tornade, il y aura une certaine convergence des vents dans la cellule. J’ai voulu ici représenter le tout en ajoutant les flèches et lignes blanches dans l’animation. À ce moment là, il s’agissait d’un signe important que quelque chose se passait et qu’on avait à faire à une super cellule. Ces signes sont arrivés environ 10 à 15 minutes avant la tornade.

L’atmosphère ce jour la était explosive pour ce genre de développement rapide. La tornade a commencé à prendre naissance peu de temps après et on a pu voir un « débris ball » visible sur l’imagerie radar à 15h45. Sur l’image de droite, il s’agit toujours de la représentation des précipitations. J’ai entouré en bleu l’endroit ou le débris ball était visible. Sur cette image, le radar interprète les débris comme des précipitations très fortes au bout du crochet. Sur l’image de droite, il s’agit du coefficient de corrélation. Cette mesure permet de voir la dimension et la forme des particules captées par le radar. Lorsque les températures deviennent plus froides, comme le vert et le bleu, cela indique que le radar voit des formes hétérogènes, donc des particules sans la même forme et/ou direction, dans le jargon on parle d’un « CC drop ». Quand un débris ball sur la réflectivité et un « CC drop » sur le coefficient de corrélation sont vis-à-vis sur superposé comme ici, il y a de très fortes raisons de croire qu’une tornade est en cours.

En poussant l’analyse un peu plus loin, il est possible de voir que les débris ont été capté par le radar de Burlington à une centaine de kilomètres au sud. La hauteur maximale des débris semble avoir été d’environ 10 000 pieds (3.3 kilomètres) dans l’atmosphère.

En regardant les donnés de l’image suivante, on peut voir qu’une telle hauteur de débris peut correspondre à une forte tornade (EF2 et plus) car la ligne rouge que j’ai ajoutée correspond dans les percentiles très probables de ce type de tornade.

Une des choses qui a très bien pus compliqué le travail était que la vélocité des vents au moment ou la tornade a pris naissance était contaminé par un phénomène du radar. Le « second trip echoes » est dû à un vieux faisceau radar captant des orages plus lointains mais ou le faisceau en retournant au radar est procédé comme un nouveau faisceau alors qu’il n’en est pas un. Cela va créer des effets de ligne dans le radar et une vélocité très bruitée et non fiable (explication provenant du météorologue Dave Sills). Il était alors très difficile de voir une rotation serrée, signe de tornade, à ce moment là.

Conclusion

Au final, 4 tornades auront été confirmés lors de cette journée. Deux micro-rafales aussi. La majorité des autres événements de temps violent se sont produit là ou plusieurs, dont nous-même en avions fait la prévision, dont les météorologues d’Environnement Canada aussi. Ceux-ci produisent une carte lors des journées de temps actifs et ils avaient correctement identifié la zone risque pour le temps violent et les tornades. Les météorologues sur place étaient très qualifiés pour savoir que la journée allait être occupée. Ils ont d’ailleurs émis une alerte de tornade pour celle qui a touché St-Narcisse-de-Beaurivage au sud de Québec.

Alors pourquoi Mascouche est-elle passée sous le radar ? Les météorologues suivaient bien sur l’évolution de plusieurs cellules en même temps. Peut-être faudrait-il plus de personnel lors de ces journées ciblées comme étant dangereuses ? Ça aurait certainement pus aider. Il faut ajouter le fait que la super cellule en question est devenue dangereuse très rapidement. En quelques scans radar, il fallait prendre une décision, si on l’avait suivi depuis le début.

Mais la ou je crois qu’il y a un manque, c’est plutôt dans le fait de ne pas avoir émis de veille de tornades. Ici je ne blâme pas les météorologues, mais plus le conservatisme qui semble y avoir chez Environnement Canada en général à ce sujet. J’ai très rarement vu des veilles de tornades au Québec. Pourtant cela pourrait être un instrument majeur dans la prévention face au temps violent. La journée de lundi méritait clairement une veille de tornade et non seulement une veille d’orages violent. Plusieurs journées dans le passé aussi en auraient mérité. Je sais que les veilles d’orages violents portent souvent des mentions que les orages peuvent produire des tornades. Le message premier n’est pas mis sur les tornades cependant, l’information risque de moins voyager. Lors des journées ou le potentiel est vraiment présent, c’est à mon avis le mot tornade qui devrait être en priorité.

Je crois aussi qu’il y a un travail d’éducation à faire avec le public. Les gens doivent comprendre la différence entre la veille d’orages violents et la veille de tornade. Une veille de tornade, cela veut dire que non seulement des orages violents sont possibles, mais le risque que ceux-ci donnent des tornades lors de cette journée est important. Cela ne garantit pas à 100% qu’une tornade ou même un orage touchera votre localité, mais si jamais on voit que des orages se dirigent vers nous, avoir un plan et être au courant des risques est important. Nous avons des tornades au Québec. Probablement même plus que nous pensions, nous le savons maintenant grâce en partie au Northern Tornado Project.

En terminant, je veux dire qu’il s’agit simplement de mon opinion sur le sujet, je ne suis pas dans le secret des dieux et si je suis dans l’erreur, je l’accepte et serai ravi d’avoir des avis contraires au mien. Je veux aussi rappeler que nous sommes tous humains et des erreurs peuvent survenir n’importe quand. Même avec les meilleurs systèmes d’alertes ou protocoles en place, il y aura toujours des erreurs, ça arrive, personne n’y est à l’abri. Les météorologues auraient très certainement souhaité pouvoir lancer l’alerte à temps pour Mascouche ce jour-là, il ne faut pas en douter.

Pierre-Marc Doucet.

Chasse du 6 Juin 2020 – St-Célestin, QC

Texte :Pierre-Marc Doucet

Photos: Jolyane Limoges, Pierre-Marc Doucet

Vidéo: Jolyane Limoges, Pierre-Marc Doucet

Membres présent: Pierre-Marc Doucet, Jolyane Limoges, Mathieu Lussier, Nancy Doris,

Lorsque nous avons analysé la journée à venir le matin, nous pensions qu’il y avait des chances d’orages intéressantes en après-midi dans la région du centre du Québec. En fait, nous croyons en des chances de landspout. Il s’agit d’un type de tornade mais non associé  à un courant ascendant en rotation (mésocyclone). Nous sommes alors parti en début d’après-midi vers Trois-Rivières pour nous positionner.

L’alignement des vents ne semblait pas très favorable au développement de super cellule non plus. Cependant, plus la journée avançait plus les conditions pour les landspout seraient présentes. En fin d’après-midi, un petit front froid avec un système de basse pression se retrouvait sur la rive-sud du fleuve près de Trois-Rivières. Aussi, il y avait une outflow boundary visible, les orages semblent en avoir profité. Voici la map de surface à ce moment:

Front

Le point rouge représente la région où nous étions. On remarque un signe de creux (ligne brisée de couleur orange) juste au sud, il s’agissait de notre outflow laissé par des orages qui ont passé plus tôt. Alors que nous traversions de Trois-Rivières vers la rive-sud, on remarque que des cellules se forment à l’ouest de notre position. On décide donc d’aller voir.

Au début il s’agissait surtout d’un système multi-cellulaire. Mais après une quinzaine de minutes à observer, la base de cet orage semblait s’organiser davantage. Nous avons aussi remarqué une augmentation de l’activité électrique pendant cette période. Il y avait plus d’éclairs nuage-sol pendant cette période. Une chose que nous avons aussi remarquée, les traits caractéristiques de cet orage étaient renversés. Nous nous trouvions au nord-est de l’orage et nous voyons très bien sa base alors que les précipitations tombaient au sud de celle-ci majoritairement. Les vents de l’influx entraient étaient aussi du nord, ce qui est plutôt inhabituel. Un peu comme si cet orage était de type  »left-mover ». D’habitude les orages dominants ont tendance à se déplacer à la droite du vecteur des vents en altitude, mais dans certains cas, ce sont ceux qui se déplacent à gauche qui peuvent l’être.

J’ai modifié un graphique montrant une coupe verticale de ce à quoi pouvait ressembler l’atmosphère hier dans ce secteur.

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Si vous regardez le graphique en haut à droite, il s’agit de l’hodographe, j’ai ajouté un cercle rouge. Ce cercle correspond à la zone de l’influx d’un orage qui serait left-mover. Cet orage n’avait pas exactement la direction du left-mover indiqué par le graphique mais il était beaucoup plus lent et moins orienté vers le sud-est que les autres orages.

Nous nous sommes donc positionné pour observer le tout. Nous étions alors entre St-Célestin et Ste-Monique. La base de l’orage semblait de plus en plus solide. Le Wall-cloud montrait des signes de rotation et de mouvements intéressant sous celui-ci.

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Voici maintenant le nuage en entonnoir, en vidéo, timelapse et photo:

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Image radar avec notre position à ce moment là (point rouge):

Rotation funnel

Fait intéressant à ajouter, sur la page de méso-analyse modélisée du SPC, nous étions dans une zone considérée comme propice pour le développement de landspout, donc de tornades non associées à un mésosyclone. Notre position était sur le point rouge:

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Un autre chasseur, Stéphane Goyette, était situé un peu plus près de nous et a bien vu l’entonnoir lui aussi. Nous avons observé cette cellule pendant un bon petit moment. Après qu’elle ait produit le nuage en entonnoir, le Wall-cloud a continué un peu mais a fini par se défaire. La cellule commençait à perdre de sa force. Nous nous sommes donc dirigé vers le sud, là où d’autres orages montaient sur cet outflow boundary. Nous avons eu droit à quelques beaux éclairs encore une fois. Nous avons rejoint Mathieu Lussier et sa conjointe Nancy afin de terminer la chasse ensemble.

En gros, ce fut une journée très intéressante ! J’ai encore des questionnements concernant cet orage. Le mélange d’un orage de type left-mover, de l’outflow boundary proche et de conditions propices pour la formation de tornades non super-cellulaire, auront créé ce phénomène  ? Peut-être ! La météo sera toujours aussi fascinante.

De la bonne grêle a aussi été rapporté à Thetford Mines. Max Genest, un abonné de notre page, nous a envoyé des photos impressionnantes ou on voit des grêlons de d’environ 1 pouce de diamètre et un bon tapis de grêle.

Terminons le tout avec une petite photo de moi-même et Jolyane, après cette superbe chasse 🙂

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TOP 10 des tornades québécoises de la décennie.

Nous arrivons bientôt en 2020 ! Cela veut donc dire que l’heure est aux différents bilans. De notre côté nous avons décidé de faire un petit bilan des tornades qui ont touché le Québec durant la décennie. Il s’agit d’un exercice bien personnel. Les choix ont été basés sur quelques critères, tels que l’impact causé par la tornade, son aspect visuel ainsi que la rareté de l’événement. Alors sans plus tarder, commençons le décompte !

 

1: GATINEAU – EF3 – 21 SEPTEMBRE 2018

Personne ne sera surpris ici, la tornade de Dunrobin-Gatineau prend la première place du classement. La tempête aura causé beaucoup de dégâts, plusieurs centaines de maisons ont été touchées lors de son passage. Il y a eu aussi quelques blessés, mais heureusement aucun gravement, ni aucune mort. On peut parler d’un véritable miracle car la tornade a pris naissance dans un centre urbain à l’heure de pointe.

Au total, cette tornade aura été au sol pendant 38 kilomètres. Pour la région, il s’agit d’un événement plutôt rare. Rappelons aussi que des vents de EF3 sont entre 220 et 265 km/h.

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Dégâts causée par la tornade.

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Image radar de la supercellule produisant la tornade. Sur l’image du haut, on peut y avoir les précipitations s’enrouler dans le mésocyclone, ce qui crée un écho en crochet. Sur l’image de bas, un couplet de vélocité intense, indiquant fort probablement une tornade au sol est présent.

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Skew-T de l’atmosphère en place lors de cette journée très conductive pour la formation des tornades. (Réalisé par Pierre-Marc Doucet)

2: HÉBERTVILLE – EF2 – 18 JUIN 2017

Cette journée a aussi une place très spéciale dans l’histoire météo du Québec. Onze tornades ont pris naissance cet après-midi-là. Il s’agit du plus important foyer de tornades à avoir touché la province depuis que les données sont compilées. Hébertville au lac St-Jean n’a pas été épargné. La tornade en question a été spectaculaire de par son apparence, ainsi que pour sa durée avec une possible distance parcourue de 10 kilomètres. Une tornade du type EF2 produit des vents entre 180 et 219 km/h.

Heureusement le tourbillon dévastateur n’est pas passé dans des endroits très habités. Quelques maisons ont cependant vu leurs toitures ainsi que quelques murs arrachés. Un cycliste à eu la peur de sa vie alors qu’il a été légèrement blessé par des arbres tombants sur lui en forêt. La supercellule responsable de la tornade a aussi produit de gros grêlons.

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Tornade d’Hébertville, crédit photo: Gaétan Deschênes

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Image radar montrant un couplet de vélocité très intense au moment de la tornade.

3: STE-ANNE-DU-LAC – EF3 – 18 JUIN 2017

Quand on disait que la journée du 18 juin 2017 aura marqué l’histoire météorologique du Québec, en voici une autre preuve. La plus forte des tornades s’étant produite cette journée-là est survenue à Ste-Anne-des-Lacs dans les Hautes Laurentides. Une maison a été complètement détruite et tassé de ses fondations par la tempête. Originalement classée EF2, la tornade a été reclassée EF3 avec l’aide d’une autre analyse de l’université Western de l’Ontario. Il s’agissait donc à ce moment de la première tornade EF3 à toucher le Québec en 23 ans. La dernière était celle d’Aylmer en Outaouais le 4 août 1994.

4: LACHUTE – EF1 – 22 AOÛT 2017

Lachute a été touchée en soirée par une tornade assez importante. Encore une fois plusieurs centaines de maisons, dont une quarantaines touchée plus durement, ont fait les frais de cette tempête. La tornade s’est développé non pas à partir d’une supercellule mais bien d’un système convectif quasi-linéaire. Cela peut arriver parfois surtout à l’extrémité nord de ce complexe où il peut exister une zone de rotation. La tornade a soufflé sur la ville avec des vents entre 135 et 175 km/h. Heureusement, il n’y a eu aucun blessé grave.

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Capture de la tornade, source TVA Nouvelles.

5- ST-JULIEN – EF2 – 29 AOÛT 2018

Un autre événement important s’est produit dans cette journée alors qu’une tornade EF2 touche terre dans la municipalité de St-Julien dans Chaudière-Appalaches. Une maison a été lourdement endommagé par la tornade ainsi qu’une érablière qui a perdu environ 70% de ses érables. Le plus notable à propos de ce système est surtout que la supercellule en question a parcouru une distance très appréciable pour la région. À partir du moment ou l’orage est devenue une supercellule, cela a duré sur plus de 200 kilomètres de distance. Il est possible que d’autres tornades soient survenues lors de son passage, mais vu la faible densité de population dans les secteurs touchés, nous ne le saurons jamais. Voici quelques images pour montrer le tout.

 

 

Image radar de la supercellule montrant un écho en crochet prononcé (deux images du haut) et un mésocyclone (deux images du bas).

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Image composite radar de la rotation détecté par le radar de Caribou au Maine. Les zones jaunes et rouges correspondent à de la rotation. Cela coïncidait directement avec la supercellule de St-Julien.

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Trajectoire approximative de la supercellule responsable de la tornade de St-Julien.

6: HUNTINGDON – EF1 – 8 JUIN 2012

Pour celle-ci, le choix s’est arrêté sur l’apparence de la tornade qui était très belle. Nous n’avons vu qu’une seule photo de cette tornade, qui malheureusement n’est pas disponible sur le web. Il faut dire qu’elle n’a pas duré très longtemps. Elle a tout de même eu le temps de ravager une station-service. Pour vous donner une idée, elle ressemblait un peu à celle d’Ottawa qui s’est produite le 2 juin 2019, mais en plus sombre.

7: MONT-LAURIER – EF0 – 31 OCTOBRE 2012

Une tornade le jour de l’Halloween au Québec ? Eh bien oui, c’est arrivé ! Un fort système dépressionnaire était sur la province ce jour-là. Un secteur un peu plus chaud et humide avec un bon cisaillement des vents était sur place en Outaouais et dans le sud du Québec. Il n’en fallait pas plus pour que dame nature nous sorte un lapin de son chapeau. Heureusement elle n’a pas causé beaucoup de dégâts, contrairement à celle du 4 août 2009 dans la même ville. Ce type d’événement tard en saison est très rare au Québec, bien que ce ne soit pas la tornade la plus tardive à nous avoir touchés. En novembre 1997, Lac-Etchemin était frappé par une tornade. Le 16 novembre 1989, une EF2 touchait aussi la municipalité de St-Hilaire en Montérégie.

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Image de la tornade, crédit photo: Philippe Pilon

8: LAC-AUX-SABLES – EF1 – 30 JUILLET 2019

Cette tornade a dévasté un terrain de camping où plusieurs gens ont eu toute une frousse. Heureusement que des blessures mineures sont rapportées. Personne ne veut être dans une roulotte ou une tente lorsqu’une tornade arrive ! Il s’agit d’une des seules tornades rapportées au Québec cet été avec celle de St-Roch-de-l’Achigan et de Lac-des-Écorces. La tornade était cependant assez impressionnante visuellement comme en témoigne cette photo d’un résident.

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Crédit photo: Réal Darveau

9: ST-FABIEN-DE-PANET – EF2 – 9 JUILLET 2014

Les tornades de nuit sont plutôt rares, même aux États-Unis. C’est ce qui s’est passé dans cette petite ville de Chaudière-Appalaches durant la nuit du 8 au 9 juillet 2014. Un tel événement de nuit au Québec, de surcroît une tornade EF2, est extrêmement rare. Il s’agit probablement même du seul événement nocturne de ce genre à être répertorié ici. La tornade aura causé des dommages surtout à la forêt. Nous tenions à l’inclure dans ce top 10 surtout à cause de sa nature unique.

10: ST-LAZARE – EF0 – 17 JUILLET 2010

Complétons ce top 10 par une tornade qui a touché terre à l’ouest de Montréal en 2010. La tornade en tant que telle n’est pas spectaculaire mais la structure orageuse elle, est vraiment jolie. Supercellule classique comme on peut en voir dans les plaines américaines. La tornade aura causé quelques dommages à St-Lazare. Voici un lien où vous pourrez voir une vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=7MDKaKXqq94

MENTIONS HONORABLES:

St-Benoit-de-Mirabel – EF1 – 25 Mai 2012

Lac-Verne – EF2 – 20 Juin 2016

Val-des-bois – EF1 – 21 Septembre 2018

Ottawa/Orléans – EF1 – 2 Juin 2019 (Celle-ci n’a pas été incluse car elle n’a pas touché directement le Québec, bien qu’elle y était visible.)

St-Roch-de-l’Achigan – EF1 – 11 Juillet 2019

*** BONUS ***

Cela n’à jamais été confirmé comme tornade, mais ces nuages en entonnoir capté par Mélissa Rouleau près de St-Casimir le 28 Juin 2017 étaient de toute beauté. Phénomène très rare à voir ici au Québec.

 

Voilà qui complète cet article ! Vous avez des commentaires ou questions ? N’hésiter pas !

– PIERRE-MARC DOUCET

Analyse de la tornade d’Hébertville – 18 Juin 2017

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Crédit photo: Gaétan Deschênes

La journée du 18 juin 2017 restera marquée dans l’histoire météorologique du Québec comme étant la journée la plus productive en matière de tornades. Initialement, quatre tornades ont été confirmées lors de cette journée. Une EF2 à Hébertville au lac Saint-Jean. Une EF3 à Sainte-Anne-du-lac dans les Laurentides. Une EF0 dans le parc des Laurentides. Une EF1 dans la ZEC de la boiteuse au nord du lac Saint-Jean. Une étude mené conjointement par l’université Western en Ontario et Environnement Canada a conclue que pas moins de 11 tornades au total ont touchés le sol dans la province. Avec une technologie satellite très avancée, ces découvertes ont pus être réalisées. De ces 11 tornades, 1 EF3, 4 EF2, 5 EF1 et 1 EF0 sur l’échelle de Fujita améliorée.

D’autres événements de temps violent se sont aussi produit lors de cette journée. Des rapports de grêle de taille allant de pièce des 5 cents jusqu’à des balles de golf. Une micro-rafale avec des vents estimés entre 140 et 160 km/h dans les hautes Laurentides.

Qu’est-ce que a mené à cette journée prolifique pour le temps violent ? Dans cet article je vais tenter de décortiquer l’atmosphère en place. Je vais aussi me concentrer sur le cas de la tornade d’Hébertville. Une tornade avec une trajectoire assez longue, 3.5 kilomètres officiellement, mais jusqu’à 10 kilomètres possiblement selon Environnement Canada. Nous allons voir que cet événement, pour le Québec, ne semblait pas hors de l’ordinaire. Avant de continuer, si vous n’avez pas trop de notions sur la formation des orages super-cellulaires et des tornades, je vous invite à lire l’article qui suit, surtout la première partie sur les ingrédients requis pour la formation des super-cellules.

Avant tout chose, je ne suis qu’un amateur de temps violent qui aime essayer de comprendre ce qui se passe. Cette analyse est faite sans prétention.

Synopsis météo – Soulèvement

Commençons par regarder l’atmosphère qui était en place pendant la journée. Dès le matin, il était clair qu’un système assez important était situé sur les grands lacs. La prochaine carte démontre le creux qui était visible ce matin-là à 700mb (~3km en altitude).

Carte de 700mb à 8h HAE.

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Ce système était prévu de s’intensifier au courant de la journée tout en continuant d’avancer vers le Québec. La carte d’analyse de surface du matin montrait bien le système avec ses fronts. Un front chaud était étendu du Témiscamingue jusqu’au nord de la Gaspésie en passant par le Saguenay. Le front froid lui, était encore assez loin. Il était situé près des grands lacs au Michigan.

Position des fronts en fin de matinée à 11 HAE.

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L’imagerie satellite infrarouge indiquait bien la position du front chaud. Juste au sud de la couverture nuageuse qui montait vers le nord-est.

Satellite infra-rouge à 12h HAE

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Bref, notre source de soulèvement pour la journée ne semblait pas relié au front froid. Celui-ci était encore trop loin pour faire sentir son influence. Les fronts chauds eux, ne sont pas une source de soulèvement intéressant pour les orages tornadiques. Le soulèvement qu’ils produisent sont associés à des orages « sur-élevés ». Ce qui veut dire qu’un orage sera coupé d’une bonne partie de son énergie près du sol, que sa base sera plus élevée et que le tourbillon disponible près du sol ne sera pas ingéré. La convection reste possible, mais au-dessus de l’inversion de température qui est amenée au nord du front chaud. D’où le terme « convection sur-élevée ».

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Le creux en approche par l’ouest revêt donc toute son importance à ce moment. Devant un creux en altitude, il y a souvent des petits creux pré-frontaux. Ils sont parfois visibles avec les observations de la surface ou l’imagerie satellite en vapeur d’eau. Un autre moyen de savoir si un de ces petits creux se balade dans un secteur, c’est le Differential Potential Vorticity Advection (DPVA). La DPVA est un processus qui contribue à forcer l’air en rotation vers le haut. L’atmosphère voudra alors compenser ce mouvement d’air, cela causera une baisse de la pression au sol. Un mouvement vertical dans l’atmosphère est alors créé. La DPVA est donc très souvent associé à un creux. Aussi, en montant, l’air deviendra plus frais et contribuera à ce que l’atmosphère devienne plus instable.

Carte montrant le tourbillon atmosphérique et le DPVA à 15 heures HAE. (Étoile noire pointée par la flèche rouge indique Hébertville)

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Les zones importantes à retenir sur cette carte son celles entourées de bleus. Ces zones représentent l’endroit ou un mouvement ascendant est détecté. Les zones rouges représentent plutôt un mouvement descendant. Les zones colorées avec des X représentent des poches de tourbillons.

Image satellite au moment de la naissance de l’orage et pendant la tornade au sol. La cellule responsable est indiquée par la flèche rouge.

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À noter qu’il faut que votre zone de DPVA où un creux peut se situer doit être dans le secteur chaud. Donc il faut que ce soit situé au sud du front chaud, pas au nord. Sinon vous aurez à faire à de la convection sur-élevée, n’oublier pas.

Un autre élément qui a attiré mon attention était une petite zone avec des vents convergent à l’ouest d’Hébertville. Était-ce une petite dépression à méso-échelle qui aurait pu favoriser un certain soulèvement aussi ? Ce n’est qu’une hypothèse. Cette zone était visible quelque temps avant la formation de la super-cellule responsable de la tornade.

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Humidité

Un bon bassin d’humidité était déjà en place en matinée. Selon les observations rapportées, des points de rosés entre 11 et 13 degrés à 850mb étaient en face du creux principal. Un bon courant-jet de bas niveau d’environ 30 noeuds était aussi présent, important pour le transport et le maintien de l’humidité.

Carte de 850mb à 8h HAE.

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Les cartes du mesoanalysis SPC montraient même en après-midi un peu plus d’humidité présente sur les secteurs allant jusqu’à 14° pour les points de rosés.

Carte de 850mb à 15H HAE.

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L’humidité au sol dans les heures précédentes et au moment de la tornade était aussi optimale. Les observations de la station météo toute proche montraient une température de 22°C pour un point de rosé de 19°C. Rappelons que nous ne voulons pas un écart trop grand entre ces deux valeurs, autant au sol qu’à 850mb. Le risque de tornade s’en retrouve diminué lorsqu’un écart est trop grand puisqu’un bassin d’air plus frais et sec se crée sous la base du courant ascendant. La base des orages s’en retrouve plus élevée (LCL ou Lifting Condensation Level) et un courant ascendant qui ingère ce type d’air aura plus de difficulté à se maintenir. Deux prises d’importance contre la formation des tornades.

Observations de surface à 16h HAE.

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LCL à 20h HAE.

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Petite parenthèse ici. Une des raisons pour laquelle les régions dans la vallée du Saint-Laurent n’ont pas connu de tornade s’explique possiblement ainsi. Si vous remarquez sur la carte ci-dessus, les températures dans la vallée ont atteint 30-31°C en plusieurs endroits. Les points de rosés eux sont restés vers 19-20°C. L’écart était beaucoup plus grand, surtout plus on avançait dans la journée avec le réchauffement diurne. Lors de notre chasse nous avons d’ailleurs pus observer le tout. Au début les bases étaient plus près du sol, à ce moment nous avons eu droit à un entonnoir nuageux bref. Plus tard, les bases étaient plus hautes. La carte des LCL le montre aussi.

Vidéo prise à Saint-Alexis-de-Montcalm dans Lanaudière vers 14h HAE. Un wall-cloud avec un petit entonnoir se forme, les bases étaient plus près du sol.

 

Photo prise en Mauricie vers 15h30 HAE démontrant la base plus élevée de l’orage avec des précipitations tombant dans le courant principal (bassin d’air froid indiqué par les flèches bleues).

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Énergie

Avec l’avancée du front chaud vers le nord en journée et un petit dégagement qui était dans le secteur chaud, une certaine énergie a pu se développer près de celui-ci. Une énergie qui était très limité, mais au Québec, le CAPE ne semble pas être un facteur primordial pour la formation des tornades.

Dans le graphique suivant, les boîtes grises, les chiffres noirs ainsi que les lignes noires verticales représentent les cas soumis par le Storm Prediction Center Américain. Les boîtes représentent les moyennes générales avec la moyenne inscrite à l’intérieur. Les lignes noires verticales sont les cas plus atypiques avec respectivement les cas maximaux et minimaux enregistrés. À noter que ce sont des cas de la région de la Tornado Alley.

Les boîtes et chiffres orangés et rouges ont été ajoutés par moi. Elles représentent les cas Québécois. J’ai analysé les 17 cas des journées enregistrés avec des tornades EF2+ au Québec depuis 40 ans. Ce n’est pas un très gros échantillon. Je travaille à mettre plus de cas, Ontarien notamment, pour avoir plus de données. Mais des quelques cas de l’Ontario que j’ai analysés jusqu’à présent, la même tendance se dégage.

J’ai bâti des téphigrammes et hodographes de chaque journée à l’aide du logiciel SHARPpy ainsi que de toutes les données archivées disponibles de ces journées avec l’aide du Storm Prediction Center, de Météocentre, des archives d’Environnement Canada ainsi que des archives du site de l’université du Wyoming. J’ai utilisé les cartes de surface, de 925mb, 850mb, 700mb, 500mb, 300mb et 250mb ainsi que les téphigramme et hodographe environnant pour extrapoler le tout et donner une idée de ce à quoi l’atmosphère pouvait ressembler un peu avant les événements tornadiques. Vu la quantité événements limité au Québec par rapport aux USA, il faut tempérer un peu les donnés. Par contre, toujours selon des études menées par le SPC, cela correspond aussi à la réalité des cas de tornades dans les parties est des États-Unis qui sont à l’extérieur de la Tornado Alley.

Graphique démontrant la différence du muCAPE entre l’incidence des fortes tornades (EF2+) aux USA (boîtes grises) et les 17 cas précédents de tornades fortes au Québec. La base de ces cartes est tirée du site web suivant: http://www.spc.noaa.gov/exper/mesoanalysis/help/begin.html

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À noter que le graphique ci-haut représente le muCAPE, ou Most unstable CAPE. Il s’agit de l’endroit où l’atmosphère est le plus instable sous 300mb en altitude. Le Mixed layer CAPE (MLCAPE) représente quand à lui la moyenne d’énergie dans entre la surface et 100mb en altitude. Dans une autre étude ( http://www.spc.noaa.gov/publications/thompson/ruc_waf.pdf ) la moyenne de ce type de CAPE pour 54 cas de fortes tornades super-cellulaires tiré des 48 états inférieurs des USA était de 2152 j/kg. Pour les 17 cas que j’ai calculés au Québec, cette moyenne s’établissait à 1361 j/kg. Le cas d’Hébertville lui-même, à 720 j/kg était dans la basse moyenne. Il semble donc y avoir une constante là aussi, pour dire que la quantité d’énergie nécessaire à la formation des tornades est moins importante que le cisaillement des vents, dans notre climat.

La carte qui suit le démontre la valeur du CAPE de surface (SBCAPE). Cet aspect est aussi important pour le développement des tornades. Les valeurs étaient assez maigres dans le coin d’Hébertville et du lac Saint-Jean. Il est possible qu’au moment de la tornade, elles étaient un peu plus élevé qu’indiqué sur cette carte. Rappelons-nous que cette zone était dans une zone de DPVA positive. Ces zones sont aussi souvent favorable à une baisse de température plus rapide en altitude, cela résulte en un peu plus d’énergie. Ce genre de choses à plus petite échelle a tendance à être mal interprété par les cartes modélisée. Nous le verrons plus tard sur le téphigramme simulé de l’événement.

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Un autre aspect du CAPE cependant, le 0-3km CAPE, était un peu plus intéressant. Le CAPE 0-3 km est la quantité d’énergie disponible dans les 3 premiers kilomètres de l’atmosphère. Un fort CAPE 0-3 km (50 J/kg et plus) est en place particulièrement lorsque le LFC et le LCL sont assez bas. Quand cet indice est relativement fort, cela permet un meilleur chevauchement entre la vorticité horizontale (créé par le fameux cisaillement des vents en vitesse et en direction) et l’initiation du courant ascendant. La circulation du mésocyclone de bas niveau en bénéficiera puisque la force du courant ascendant sera aussi rehaussée et créera un meilleur étirement vertical. Cet étirement, mis en relation avec le RFD qui descend et s’enroule dans le courant ascendant, a aussi souvent été mis en cause pour la formation des tornades. Les deux phénomènes, en interagissant ensemble, introduisent aussi une augmentation rapide de la rotation, un peu comme un patineur de vitesse qui se replie sur lui-même. La tornade prend alors forme.

Carte 0-3km CAPE à 15h HAE.

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La zone était près d’un secteur d’environ 50 j/kg. Cette valeur est souvent considérée comme un minimum permettant une bonne accélération des courants ascendants qui contribuent à l’étirement vertical. Cela a donc peut-être contribué à l’événement. Nous le verrons avec le téphigramme plus loin.

Cisaillement des vents

Le cisaillement profond (0-6km) était puissant sur une bonne partie du Québec lors de cette journée. Avec des valeurs avoisinant les 50 noeuds, il était plus que suffisant pour supporter des super-cellules.

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Le cisaillement 0-6 km est un bon indicateur du potentiel de super-cellule, cependant il n’est pas très fiable concernant le potentiel de tornade. Si on veut évaluer ce potentiel, il est préférable de regarder ce qui se passe dans les bas niveaux de l’atmosphère. Particulièrement entre la surface du sol et 1 kilomètre en altitude. Un des indices que nous regardons sera le cisaillement 0-1 kilomètre. Donc la différence et la direction des vents entre la surface et 1 kilomètre. Dans le cas qui nous intéresse, des valeurs d’environ 30 noeuds étaient présentes sur le secteur.

Carte des vents entre 0-1km à 16h HAE.

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Il est possible de mettre cet indice en relation avec la la hauteur de la base des nuages. Lorsque les LCL et le cisaillement entre 0-1 kilomètres sont dans des phases favorables, le risque de tornade s’en trouve augmenter, avec évidemment d’autres conditions comme le cisaillement directionnel et le CAPE de bas niveau (source: Thompson, Craven and Brooks 2002-2003).

Le graphique suivant montre la probabilité des événements de tornades avec la relation entre le cisaillement 0-1 kilomètre et la hauteur du LCL. La période étudiée s’est étendu de 1973 à 1993. Il est important de noter que pour chaque élément coloré avec un chiffre de probabilité, au moins 30 analyses de l’atmosphère ont été intégré. Il s’agit aussi de cas d’études avec la présence d’un mésocyclone de bas-niveau. Les événements de tornades qui ne sont pas reliés à un mésocyclone ne sont donc pas comptabilisés dans ce graphique.

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Pour le cas de la tornade d’Hébertville, avec une parcelle d’air qui s’élevait directement du sol (surface based) j’ai pu déterminer avec le téphigramme simulé de l’événement (que je monterai bientôt) que le LCL était situé à environ 450-500 mètres d’altitude. Si on prend la colonne du LCL à 500 mètres sur le graphique ci-haut et qu’on monte jusqu’à la valeur de 30 noeuds sur la colonne du cisaillement 0-1 km, on obtient .66. Cela représente 2 chances sur 3 d’avoir un événement de tornade avec cette combinaison, ce qui n’est pas banal.

Un autre facteur important à vérifier, l’hélicité. L’hélicité est la quantité mathématique dérivée du cisaillement en vitesse entre une certaine hauteur, du cisaillement en direction entre une certaine hauteur ainsi que de la force et de l’alignement des vents de bas niveau par rapport aux deux autres variables qui sont ingérés dans le courant ascendant d’un orage. Le résultat est en mètre-seconde (m2/s2). L’hélicité entre 0-1 km dans l’atmosphère est souvent reconnue comme un bon indice pour la formation des tornades.

Carte de l’hélicité 0-1km à 16h HAE.

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Analyse globale de la situation.

En mettant toutes les choses en perspective, voici ce qui donnait le profil atmosphérique potentiel au moment de la tornade. La carte ci-dessous est une carte d’analyse de surface que j’ai recrée manuellement à partir des données présentes sur la page de mésonalyse du Storm Prediction Center.

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La région affectée par la tornade est entourée de noirs sur l’image. On y retrouve la position du front froid (ligne avec les triangles bleus) qui était encore loin. Le front chaud (ligne avec les demi-cercles rouges) qui s’étendait près de la région. La grosse flèche rouge représente le courant-jet de bas-niveau. Celui-ci entrait sur la région avec force (40-50 noeuds). La flèche bleue foncée parallèle à la rouge indique la position de l’entrée du courant-jet en haute altitude (60-65 noeuds). La flèche bleue pâle perpendiculaire aux autres indique la direction et la vitesse du vent à 500mb (45-50 noeuds). Devant le front, il était intéressant de voir l’advection d’humidité qui rejoignait le front chaud. C’est indiqué par les contours verts.

Voici maintenant un téphigramme simulé du possible environnement dans le secteur. Ce téphigramme a été bâti avec les données d’archives disponibles sur le Storm Prediction Center, Météo Centre UQAM et le site d’Environnement Canada. Il est basé sur les observations du matin de Maniwaki.

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Noter que toutes les valeurs de tous les éléments que nous avons vues avant, se retrouve sur ce graphique dans les cases inférieures gauches du tableau. Le « 3CAPE », ou 0-3km CAPE montre une valeur de 60 j/kg. Compte tenu du peu d’énergie en place, celle-ci semblait assez concentrée dans le bas de l’atmosphère. Une valeur favorable au développement des tornades.

Maintenant, si on regarde l’hodographe, la partie supérieure droite du graphique, on remarque que les vents sont dans un profil très favorable. La quantité d’Hélicité effective qui pouvait être ingérée par les super-cellules bougeant à droite du vecteur normal de déplacement des orages était très bonne, estimé à 270 m2/s2. L’hélicité effective (ESRH) tient compte de l’endroit où les courants ascendants deviennent absolument instables, est aussi souvent utilisée pour faire la différence entre les orages tornadiques ou non, et voir la profondeur de l’hélicité.

Voici deux tableaux qui donnent aussi un indice sur la corrélation des événements tornades en relation avec l’Hélicité effective et celle de 0-1 km. Le principe des boites grises et colorés est le même que précédemment.

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Selon le téphigramme, des valeurs de 270 m2/s2 pour l’hélicité effective et de 250 m2/s2 pour le 0-1 km était en place. La tornade d’Hébertville se situe donc bien dans la moyenne des événements de fortes tornades (EF2 et plus).

Dans ce cas-ci, un calcul d’angle avec la trajectoire des dégâts de la tornade m’a permis de constater que l’orage était bien « right mover » mais pas autant que sur le point indiqué RM sur l’hodographe. Cela fait que les quantités d’hélicité sont probablement un peu différentes, mais pas assez pour créer une grosse différence, visiblement.

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Si on se concentre sur l’hodographe encore plus, on peut remarquer la mention « Critical Angle ». Cet aspect est de plus en plus étudié pour reconnaître les événements tornadiques. L’angle critique est calculé selon le vecteur du sens de déplacement des orages et le vecteur du premier point des vents de surface et 500 mètres en altitude. Selon une étude menée par les météorologues John M. Esterheld et Donald J. Giuliano en 2008 (réf: http://www.ejssm.org/ojs/index.php/ejssm/article/view/33/37 ), cette tranche de l’atmosphère est celle qui permet de mieux discriminer les cas de tornades.

Notre cas ici montrait un angle critique de 75. Avec le tracé du déplacement de l’orage et de la tornade, cela semble concorder avec le point RM (Right Mover) sur l’hodographe.

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Voici un tableau fait par les deux météorologues. Il a été réalisé à partir de 67 cas convectifs, pris entre 1997 et 2004. 65 de ces cas provenaient d’événements super-cellulaires car c’est ce qui nous intéresse ici.  Ce sont des cas pris dans les plaines Américaines. À noter que lorsqu’on parle de faibles tornades, je fais référence aux tornades EF0/EF1. Les cas de fortes tornades sont des cas de EF2 et plus.

CRITICAL ANGLE PLAINES

Pour des cas de fortes tornades, il apparaît clairement qu’un angle de 90 degrés (entre 80 et 100) est présent un peu plus de 55% du temps. Cependant le climat des plaines du centre Américain diffère de celui que nous connaissons. Une autre étude a été mener par les météorologues Jared L. Guyer et John A. Hart du Storm Prediction Center (réf: http://www.spc.noaa.gov/publications/guyer/ef3_vwp.pdf  ). Celle-ci se concentrait sur la région sud-est des États-Unis. Cette région est reconnue comme étant un peu plus près de la nôtre concernant la formation des tornades. Les cas de tornade avec un faible CAPE et un fort cisaillement y sont plus fréquents, comme ici, que dans les plaines centrale Américaine.

Cette étude a été mené entre mai 2008 et Décembre 2011. Elle se concentrait sur les tornades EF3 et plus qui provenaient de super-cellules. 48 cas ont été identifié comme répondant aux critères de l’étude. Voici le tableau montrant les résultats concernant l’angle critique dans ces cas.

CRITICAL ANGLE SUDEST

Il semble que l’angle critique soit un peu plus bas dans cette étude. Une moyenne de 77 a été calculé. Il est important de noter que l’échantillonnage demeure assez bas et d’autres études plus approfondies seront faites concernant les angles critiques.

L’hodographe qui nous intéresse ici montrait un angle critique de 75 degrés. Il s’agissait d’une forte tornade. Si on se fie au graphique pour les plaines du centre Américaines, cela tombe dans un cas de moins de 10%, à la limite des cas plus fréquents. Par contre, avec le tableau du sud-est des USA, le cas tombe près de la moyenne. Avec la climatologie des tornades d’ici qui semble plus près de celle du sud-est des USA, on peut penser que ce cas se rapproche davantage de ceux-ci statistiquement parlant, quoiqu’on n’y parle que des cas de tornade EF3+. La tornade d’Hébertville a été classée EF2. On peut y voir un petit rapprochement, mais nous sommes loin des certitudes.

Effets locaux.

Avec les vents qui étaient de direction est-sud-est près du front, le courant-jet de bas niveau venant du sud-ouest et plus de tendance ouest sud-est en mi-altitude, le cisaillement directionnel était excellent. Le front chaud a très certainement contribué à garder les vents à tendance est, mais aussi, l’effet local de l’orientation de la vallée du Saguenay a certainement joué un rôle. Cette vallée est orientée est-sud-est, parfaite pour une canalisation des vents en provenance de cette direction. C’est un des deux effets locaux qui ont pu contribuer à la formation de cette tornade.

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Un autre effet local possible, aura été les petites montagnes entourant la vallée en question. Voici une carte de la trajectoire approximative de la tornade que j’ai pu établir avec les photos et vidéos, les rapports de dégâts et différents récits des gens.

trajectoire 4

 

Si on regarde l’endroit du début approximatif de la tornade, on remarquera que cela se fait en sortant non loin des montagnes. Voici deux images prises en hauteur qui donnent un aperçu avec le corridor d’arbres abattus.

Crédit des images: Stéphane Simard

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Lorsqu’un mésocyclone rencontre une dénivellation vers le bas, cela aurait tendance à augmenter l’étirement et amener le resserrement du courant ascendant ce qui a comme effet d’augmenter la vitesse de rotation (vorticity stretching). Voici d’ailleurs un extrait, traduit, de la conclusion d’une étude de maîtrise en science géographique par Kathryn A. Prociv: « … Les résultats suggèrent que la topographie a un impact sur les caractéristiques de rotation de bas niveau des orages super-cellulaires. Les petites élévations et les pentes peu abruptes contribueraient à augmenter la force de rotation de l’orage, alors que les élévations plus hautes et les pentes raides diminueraient la rotation… » (réf: https://theses.lib.vt.edu/theses/available/etd-05092012-094035/unrestricted/Prociv_KA_T_2012.pdf )

La tornade vue du radar de Lac Castor (interprété par Radar Scope).

Avant de continuer, si vous n’avez pas de notions sur le fonctionnement de certains principes de détections des radars pour la chasse d’orages, voici un petit article pour vous: Comment détecter la rotation d’un orage à l’aide d’un radar

Regardons un peu la tornade vue par le radar maintenant. Le radar du Saguenay est situé près de Lac Castor à environ 50/60 kilomètres de l’événement. À cette distance la hauteur du faisceau radar en mode « tilt 1 » qui est le plus bas est de 600-700 mètres de hauteur (2000-2300 pieds). Pour le « tilt 2 », on parle d’une hauteur de 1600-1700 mètres (5250-5600 pieds).

Dans cette région, le radar est situé non loin de zones montagneuses. Cela peut donc induire une atténuation du faisceau radar, particulièrement au tilt 1, qui pointe plus bas. Voici une image radar tirée de ce tilt au moment ou la tornade était passée Hébertville.

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Sur l’image de réflectivité des précipitations en haut, on remarque bien un écho en crochet, signe de rotation. Cependant sur l’image de la vélocité des vents dans le bas, l’écho est incomplet. On peut deviner qu’il semble y avoir une zone de rotation, mais pour être certain, il faudra aller sur le tilt 2. Voici l’image du radar dans cette configuration, au même moment.

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Le couplet de rotation en vélocité apparaît maintenant plus évident. Il existe un moyen simple d’évaluer la force d’un mésocyclone. Tout d’abord, vous devez être certains que ce que vous regardez est bien un mésocyclone. Ensuite, vous prenez la valeur maximale détectée dans le méso des vents qui vont vers le radar. Faites la même chose avec la valeur des vents qui vont à l’opposé du radar. On additionne ces deux valeurs et on divise par 2. Ensuite il suffit de mettre le tout en relation avec la distance du radar.

Avec les données disponibles sur RadarScope, j’ai pu déterminer que la force maximale de vélocité qui allait vers le radar était d’environ 42 mètres seconde à ce moment. Les vents à l’opposé du radar étaient d’environ 10 mètres-seconde. En additionnant ces deux chiffres ça donne 52 m/s qu’on divise par deux. Le couplet de vélocité était donc d’une force de 26 m/s.

Lorsqu’on le met en relation avec la distance du radar, qui était à environ 50-60 kilomètres, aucun doute que nous avions à faire à un fort mésocyclone. Voici le tableau aidant à visualiser le tout. Les chiffres du bas représentent la distance en kilomètres du radar par rapport au mésocyclone. Les chiffres sur le côté gauche sont les valeurs possibles du couplet de vélocité en mètres-seconde. L’étoile noire que j’ai ajoutée est le cas de la tornade d’Hébertville figuré avec l’image radar plus haut.

meso guide

Il existe un autre tableau, créé à partir de plusieurs centaines de cas, pour tenter d’évaluer la force potentielle d’une tornade selon l’intensité du couplet de vélocité.

Ce qui va nous intéresser dans le tableau suivant est la moitié droite du graphique, à partir du rectangle rouge qui entoure les « Sup EF0 ».Les chiffres sur le côté gauche sont les valeurs possibles du couplet de vélocité mais cette fois en noeuds. En convertissant 26 m/s en noeuds, cela donne 50.5 kts.

Rotational velocity

J’ai donc ajouté la valeur dans le rectangle gris correspondant à « Sup EF2 ». Il est important de noter que les donnés pris pour faire ce graphique ont été faites entre 112 et 163 kilomètres du radar et entre 6000 à 10 000 pieds d’altitude (1830 – 3050 mètres). En tilt 2, nous à cette distance, le cas d’Hébertville était entre 5250 et 5600 pieds (1600-1700 mètres. Néanmoins, cela concorde près de la moyenne des événements de type EF2 rapporté dans cette étude.

Cette autre image, qui elle comprend des valeurs à l’intérieur de 130 kilomètres du radar, suggère plutôt que le cas présent tombe dans la catégorie « overlap » entre EF1 et EF2. Le « TDS » dans la colonne de droite fait référence à  la hauteur du « Tornado Debris Signature » auquel je n’ai pas eu accès.

overlap

Performance des modèles

Les modèles semblent avoir assez bien fait dans l’ensemble pour voir le potentiel de temps violent lors de cette journée. Déjà à quelques jours d’avance, le NAM 12km voyait un potentiel intéressant à l’est du lac Saint-Jean. L’image suivante provient de ce modèle à 81 heures avant l’événement.

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Les sorties de modèles subséquentes montraient pas mal toutes un profil similaire. Même chose pour ce qui était du positionnement du système frontal. Voici une image tirée du NAM 12km à 21 heures de l’événement. Le GFS était bien aligné sur ce scénario aussi.

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Voici maintenant une carte tirée du modèle d’ensemble SREF disponible sur le site du Storm Prediction Center. Cette carte montre un combiné de plusieurs ingrédients pour la formation de tornades. Elle prend compte les paramètres suivants: MLCAPE d’au moins 500 j/kg; MLLCL d’un maximum de 1.5km en hauteur; Hélicité 0-1 km d’au moins 100 m2/s2; Cisaillement 0-6 km d’au moins 40 noeuds; Une zone où des précipitations sont prévues par les modèles. La formule est indiquée dans le bas de l’image.

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Cette image datait de 12 heures avant l’événement. Encore une fois, plusieurs sorties précédentes montraient un tel scénario. Les conditions étaient donc très certainement favorables pour le développement de plusieurs tornades sur le Québec lors de cette journée.

Conclusion

Il s’agit d’un événement qui semble typique pour le climat du Québec. Typique mais tout même très intense. L’événement a été caractérisé par la présence d’un creux causant une large zone de mouvement vertical. Localement possiblement un creux pré-frontal, peut-être une petite dépression à méso-échelle auront favorisé le soulèvement.

Un écart entre les températures et les points de rosés très favorables dans la zone où les tornades ont eu lieu. Cela mène à un LCL (la base des nuages) beaucoup plus bas en altitude. L’écart beaucoup plus grand explique en partie pourquoi il n’y a pas eu de tornade plus au sud.

Peu de CAPE et mais un 0-3KM CAPE de valeur intéressante. Ce type de CAPE favorise l’étirement vertical, rappelons-le. Un cisaillement de moyen niveau très bon. Même chose pour celui de bas niveau, autant en force que directionnel. Une combinaison amenée grâce au front chaud non loin, à l’effet local de la vallée du fjord du Saguenay et à l’arrivée d’un bon courant-jet de bas niveau.

  • Pierre-Marc Doucet.

Prévision neige et pluie 3-4 avril 2017

Prévision 3-4 avril 2017

Prévision neige
De la neige est prévu pour la journée de mardi sur plusieurs secteurs du Québec.

Entre 5 et 15 cm de neige pourrait tomber sur les secteurs dans le carré rouge. Québec et Trois-Rivières. Pour les gens dans le carré bleu se sera environ 5 cm.
Pour les autres secteurs au sud, de la pluie est prévue, 15 à 30 mm.
Pour les secteurs ou de la neige est prévue, la ligne est mince et il pourrait et devrait avoir de la pluie aussi, donc les quantités de neige prévue ne sont pas confirmées car si la pluie arrive, il aura beaucoup moins de neige.

P.S.. Prévision seulement pour la journée de MARDI ! 

Pour une prévision officielle… Suivez Environnement Canada ou Météomédia
Merci

Photo blizzard région de Québec 14-15 mars 2017

Voici quelques photos du blizzard qui a touché Le Québec les 14 et 15 mars 2017

Photo : Mathieu Bordage

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La poudrerie était très présente sur la rive sud du fleuve à Lévis !

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Une panne majeure de courant a frappé la Ville de Québec en soirée avec près de 60 000 personnes sans courant !

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Les autobus du RTC sont resté pris un peu partout dans la ville et sur les autoroutes. Le service a pris fin vers 23 h00.

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Même chose pour la rive nord.. Beaucoup de poudrerie !

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L’opération déneigement prendra du temps !

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Un petit vidéo !

Tempête de neige 14-15 mars 2017

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Prévision tempête de neige 14-15 mars 2017

 

Environnement Canada a émis des avertissements de tempête hivernale..

 

https://xtremchasequebec.com/alerte-meteo-publiques/

Une tempête s’approche du Québec présentement et des quantités dés de neige sont prévue pour la journée de mardi et mercredi au Québec. De plus les vents forts du nord-est apporteront beaucoup de poudrerie. On ne parle pas de mélange non plus !

Sur la carte plus bas on peut y voir les accumulations prévues par les différents modèles météo de ce midi.
La zone en bleu pourrait avoir le plus de précipitations pour le moment, les modèles montrent entre 25 et 45 cm de neige. Les secteurs de la Beauce et l’Estrie le long de la frontière auront le plus de neige.
La zone en rouge aura droit à des accumulations moindres mais toujours entre 15 et 35 cm. Les secteurs de la rive sud du fleuve auront droit au plus forte accumulation.

Pour les grandes villes comme Montréal, il pourrait avoir entre 15 et 30 cm de neige et pour Québec 20 et 35 cm de neige.
De plus les vents du nord-est seront très forts voire même violents le long du fleuve et il aura de la poudrerie.
Le tout débutera sur Montréal en fin de matinée, Québec en après-midi et en soirée sur l’est du Québec
Environnement a émis des veilles de tempête hivernale ce matin pour plusieurs secteurs.

 

 

 

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N’oubliez pas que cette prévision est une prévision amateur et sujette à changement à tout moment. Les quantités prévues sur la carte sont aussi sujet à changer d’ici demain vu que les modèles ne sont pas constants.
Merci !

 

Neige, pluie et verglas sur le Québec

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Prévision 1er mars 2017

Beaucoup de précipitations en vue sur le Québec.

Des mélanges de précipitations pour plusieurs secteurs mais ce sera principalement en pluie dans le sud du Québec. Un 25-35mm est possible sur la rive nord du fleuve dans un axe Ottawa-Québec.

Pour l’est du Québec et une partie de la Beauce et Chaudière Appalaches, un 5-10mm de verglas est possible.

Pour les secteurs du Saguenay Lac St Jean un 25-30 cm de neige est envisageable. Ailleurs dans un axe Abitibi Témiscamingue, haute Laurentides et haute Mauricie, un 15-25cm est prévu.

Il faudra surveiller les rivières du sud du Québec avec les pluies prévue dans les prochaines heures.

Les précipitations débuteront en soirée et dans la nuit de mardi à mercredi pour le sud et le centre, sinon pour l’Est plus demain matin.

Voici une carte des précipitations.

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