Texte :Pierre-Marc Doucet
Photos: Mathieu Lussier, Pierre-Marc Doucet, Mathieu Bordage
Vidéo: Pierre-Marc Doucet
Membre présent: Pierre-Marc Doucet, Jolyane Limoges, Mathieu Lussier, Mathieu Bordage
Scénario météo
La journée du 20 Juin s’annonçait assez explosive niveau météo au Québec. Le potentiel de temps violent était bien présent sur plusieurs secteurs.
Tout d’abord, un front froid vigoureux associé à une dépression, anormalement forte pour la saison, sur la Baie d’Hudson faisait son approche. Avec lui, la chance d’avoir beaucoup de soulèvement était présente. De plus, sur la carte d’analyse de surface en après-midi, on pouvait voir un petit creux pré-frontal (pointé par la ligne rouge).
Le cisaillement profond allait être de l’ordre de 30-50 noeuds ce qui est amplement suffisant pour supporter des orages violents. Par contre, l’alignement des vents par rapport au front et au creux était discutable, surtout au nord. Le cisaillement profond et les vents du sommet de l’orage allaient favoriser un mode linéaire, au mieux, mixte car ils étaient assez parallèles aux fronts.
Plus au sud cependant, vers l’est Ontarien et l’Outaouais, les vents semblaient être mieux aligné au travers des fronts. Surtout le cisaillement profond, car les vents du sommet des orages étaient toujours parallèles. Cela donnait néanmoins plus de chances de pouvoir voir des cellules isolées.
Cisaillement profond (0-6km) en soirée sur l’est Ontarien.
La grande question lors de cette journée serait la qualité de l’humidité en place. Depuis plusieurs semaines, le temps est assez sec sur le Québec et l’Ontario. Les poussées d’humidité sont souvent freiné par cette période de temps sec allongé. La végétation, dans les champs entouka, n’est pas non plus au maximum encore, ce qui n’aide pas à conserver l’humidité de l’atmosphère.
Nous avions donc peine à rejoindre des points de rosée de 15-16°C (60°F). De plus avec le fort réchauffement diurne, l’écart de température s’agrandit et l’humidité relative diminue si la quantité d’humidité dans les basses couches de l’atmosphère n’est pas suffisante.
Les observations des ballons sondes du matin lancé dans le Michigan aux USA montrait une quantité d’humidité correcte dans les premières couches. Rien d’extraordinaire mais il était permis de penser que cet environnement arriverait chez nous plus tard en soirée.
Téphigramme au nord du Michigan le matin du 20. La flèche verte indique la quantité d’humidité dans les basses couches atmosphériques.
Avec tous ces paramètres en place, les risques principaux reliés aux orages allaient être des micro-rafales et la grosse grêle. Le risque de tornades était faible mais pas inexistant, si certaines régions pouvaient avoir des taux d’humidité un peu plus élevés et si le cisaillement directionnel dans les bas niveaux se mettait de la partie.
Déroulement de la chasse
Nous sommes partis de Montréal en tout début d’après-midi en direction d’Ottawa car les meilleures conditions semblaient se profiler dans ce coin et un peu vers l’ouest de la ville. Nous nous disions qu’avec un peu de chance, le parc Algonquin situé non loin de la avec sa zone de forêt dense allait peut-être nous donner une chance d’avoir une meilleure humidité et que les orages ne seraient pas avec des bases trop hautes.
Plus la journée progressait, plus l’écart entre la température et les points de rosée s’agrandissaient, plutôt mauvais signe, mais prévisible.
Vers 17h, arrivé à l’ouest d’Ottawa, nous remarquons que l’air semble un peu plus humide. On ne s’était pas trompé car en regardant les observations des stations avoisinantes, les points de rosée avaient grimpé de 1-2°C pour atteindre environ 17°C (63-64°F). Les cartes d’humidité montraient aussi une certaine convergence de l’humidité dans nos secteurs, donc une progression en hauteur de celle-ci avait probablement lieu, ce qui était une bonne chose. Probablement que l’humidité était un peu plus élevé où nous étions que ce que les stations aux alentours montraient.
Les premiers orages organisés ont commencé à se former peu de temps après. Déjà nous avions droit à un superbe spectacle de Mammatus au-dessus de nous !
Nous avons ensuite attendu un peu en place près d’Almonte. Deux complexes orageux semblaient vouloir se démarquer à l’ouest de notre position. Un qui se dirigeait vers Kingston et qui était un peu plus loin mais qui montrait un mésocyclone de moyen niveau très prononcé au radar. L’autre, plus près de nous, mais qui semblait avoir un peu de difficulté à s’organiser. Après une longue tergiversation, l’orage plus près de nous nous a aidé à prendre la décision. Il a commencé à mieux s’organiser et montrer un écho en crochet ainsi que se séparer pour rester isolé.
Radar du moment avec notre position.
Voici donc la vue que nous avions ensuite. Malheureusement, étant dans une zone assez boisée, la vision n’était pas la meilleure mais notre visuelle nous permettait d’identifier la base de la supercellule ainsi que la rotation. Elle était plutôt faible cependant mais l’inflow tail et les scuds visible en dessous indiquaient une bonne advection d’humidité.
La supercellule se déplaçait assez rapidement (environ 70-80 km/h). Il fallait donc la talonner de près et bouger rapidement. Malheureusement, pour continuer à la suivre, il fallait retraverser dans Ottawa. Cependant il était rendu plus tard et les chances d’avoir du gros trafic étaient moins grandes.
La supercellule semble avoir entré dans une zone avec une humidité moins grande par la suite car elle est devenu avec une base plus haute alors qu’elle était sur Ottawa. Néanmoins, la structure était très belle, ainsi que la signature radar à ce moment.
L’orage a par la suite commencé à faiblir rapidement et s’est dissipé. Après avoir attendu un peu pour voir si d’autres orages lèveraient sur le front froid en approche, nous sommes reparti vers la maison.
C’est alors qu’une ligne d’orages s’est formé directement devant nous dans le coin de Montebello en Outaouais. Nous avons eu droit à un beau show d’éclairs jusqu’à la maison et quand nous avons traversé une de ces cellules, les vents sont devenus assez fort et la visibilité presque nul par moments.
Voici le résumé vidéo de toute notre chasse.
Les orages ont par la suite continué de sévir dans le centre du Québec. Mathieu Bordage a été témoin de ces orages violents et beaucoup de dégâts ont été rapportés à Québec, comme en témoignent ces photos ou plusieurs branches d’arbres ont été cassés ainsi que plusieurs arbres déracinés !
Une réflexion sur “Chasse du 20 Juin 2016 – Ontario/Québec – Supercellule et ligne orageuse.”